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« Tuer un homme » décryptage - Manipulation de l'information par la fiction

arte tuer un homme

Voici mon décodage de la fiction diffusée le vendredi 8 février 2019 sur Arte, inspirée d'une affaire qui a défrayé la chronique.

Le film est disponible en replay jusqu'au 14 février : «Tuer un Homme»(Prochaine diffusion le dimanche 17 février à 09:25).

Ce téléfilm falsifie insidieusement le fait le plus essentiel de l'histoire, de toute évidence pour légitimer que « le bijoutier de Nice » au centre de cette affaire a tué un jeune braqueur et qu'il n'ait écopé que d'une peine symbolique.

Nous nous souvenons tous de l'affaire en question :

Le 11 septembre 2013, Stéphane Turk, bijoutier à Nice, dont la boutique était braquée pour la 3e fois, avait ouvert le feu vers le scooter sur lequel s'enfuyaient les deux jeunes hommes auteurs du braquage. Une fois sortis, le bijoutier avait pris son arme, les avait poursuivis, avait ajusté son tir en leur direction et tiré dans le dos d'Antony Asli âgé de 19 ans. Il l'avait blessé mortellement.

La fiction quant à elle nous montre le bijoutier tirant sur un braqueur à l'intérieur de sa boutique et d'abord de face, contrairement à l'affaire dont elle s'inspire et dont elle réécrit l'histoire.

Le public ne peut que faire le rapprochement avec l'affaire Stéphane Turk puisque tous les principaux éléments la caractérisant s'y trouvent, en plus du fait principal habilement falsifié. Le public retiendra plus facilement la fiction, ce fonctionnement est connu. Il s'agit d'un lavage de cerveau du public, méthodique, mais aux coutures visibles.

Des procédés mêlant le faux et le vrai sont habilement utilisés. Nous voyons dans le téléfilm que quand le bijoutier tire sur le braqueur dans sa boutique il lui tire dessus une fois de face, puis celui-ci se retournant une fois dans le dos, ce qui entretient la confusion insidieusement avec la réalité de l'affaire relatée dans les médias.

arte tuer un homme

Mais ce n'est pas tout, la fiction enfume encore avec un artifice en deux temps. D'abord en induisant le fait qu'au moment où le bijoutier a tiré sur le braqueur la vie de sa femme était menacée et qu'il aurait voulu la défendre. Puis, dans un deuxième temps et au terme d'un processus en plusieurs étapes, en reconnaissant plus ou moins que ce ne serait peut-être pas le cas, minaudant que le braqueur allait en fait s'enfuir de la boutique quand le bijoutier a tiré.

Vous voyez le mode opératoire de la manipulation ?

En fait ce procédé crée de toutes pièces une fausse circonstance : l'épouse en danger, associée à un faux-mensonge-relatif du bijoutier avec in fine un semblant d'aveu. Le tout pour faire diversion et masquer la vraie supercherie de cette fiction-basée-sur-un-fait-réel qui dissimule le fait principal, celui-ci étant que ce bijoutier a poursuivi le braqueur dehors et lui a tiré dans le dos quand il s'enfuyait.

Le tout est mis en scène avec une victimisation mélodramatique du bijoutier et de sa famille du début à la fin du téléfilm. Le message que l'on nous assène est clair, c'est le tueur de ce jeune de 19 ans qui est la victime, et une fois le fait principal falsifié, ça se mange sans faim. Cela pourrait..

Du cinéma pas très glorieux mais du grand art de la manipulation.

Il s'avère que le grand lessivage par racontage de l'histoire à posteriori au moyen d'une fiction, tout comme avec des articles et reportages falsificateurs à des degrés divers, souvent une combinaison des deux, est un grand classique.

De nombreuses histoires sont réécrites avec de tels procédés. Nous nous souvenons notamment de l'affaire Baudis, pendante à l'affaire Patrice Alègre, qui s'était vue affublée aussi d'un téléfilm re-tricotant son histoire.

Plus récemment en 2016 sur l'affaire du Mediator, le film «La fille de Brest» a manipulé aussi les faits, en ajoutant des images chocs dès le début du film et des agitations caricaturales de la lanceuse d'alerte pour faire diversion. Le film a dissimulé ou minoré certains faits parmis les plus importants de l'affaire, ainsi que les chiffres et les responsabilités.

Ne pas se laisser manipuler et entraîner son discernement est une démarche de santé publique.

Gardons les yeux ouverts et ne laissons pas le mensonge envahir l'espace public.

©Josselyne Abadie - 8 février 2019

Quelques liens dans la presse sur l'affaire du bijoutier de Nice :

Article avant le procès :

http://www.lefigaro.fr/politique/2018/05/27/01002-20180527ARTFIG00135-le-bijoutier-de-nice-seul-face-a-ses-juges.php

Article le jour du prononcé du jugement :

https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/06/01/a-nice-de-la-prison-avec-sursis-pour-le-bijoutier-qui-avait-tue-un-braqueur_5307907_1653578.html

Interview 5 jours plus tard de Stéphane Turk avec vidéo et images de la vidéosurveillance le jour du braquage :

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/bijoutier-braque/bjoutier-de-nice-stephane-turk-parle-pour-la-premiere-fois-depuis-sa-condamnation_2789331.html

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